CRAC, BOUM, HUE !

SERUMSÉRUM DE SURVOLTÉ, ROGER VLIM
ÉDITIONS PROMODIFA / C.R.A.C. # 39, 1978

Ce sont des valeurs sûres, les petits bouquins porno des éditions Promodifa. Vous n’êtes pas en forme, vous en avez marre du quotidien, vous songez au suicide, vous ne savez plus quoi lire, hop ! vous ouvrez un Promodifa et vous voila tout ragaillardi. Promodifa, c’est le tigre dans votre moteur. Mesdames : le chibre dans votre moiteur. 192 pages d’un plaisir pur et intense. Même lorsque ce n’est pas bon (et ce n’est jamais bon !), ça fait du bien.
Par exemple, ce Sérum de Survolté, signé Roger Vlim, alias Roger Vilatimo, un Catalan qui ne fait pas dans la dentelle.
Le sérum du titre, c’est le sérum B.33, qui « décuple la force physique et l’agressivité de l’animal (ou de l’individu) à qui on l’inocule. » Le mec qui l’a mis au point, un savant Français domicilié au Portugal, veut le monnayer au plus offrant. Accessoirement, il aime aussi à s’envoyer en l’air avec sa domestique, une femme de ménage portugaise nommée Helena (sans ‘é’) Nogueira.

« Il la pénétrait toujours vigoureusement, presque sauvagement. C’était un poignard de chair brûlante qui s’enfonçait à chaque fois dans le corps d’Helena. »

Mais revenons-en au sérum B.33. La France charge l’agent secret Richard Gilles, Ric pour les intimes, d’aller en récupérer la formule, coûte que coûte et sans débourser un radis. Mais les méchants de l’I.I.D. – « l’International Information Department, cette tentaculaire organisation d’espionnage privée couvrant le monde entier » – sont eux aussi sur le coup… sans oublier la Chine communiste, en la personne de Li-Li Ming, la redoutable lesbienne maoïste !
Jusque là, je tiens le bambou. Je m’imagine facilement le déroulement de l’intrigue : Richard débarque au Portugal, se tape la Helena, fait la nique aux rombiers de l’I.I.D. avant de permettre à Li-Li Ming de découvrir les joies classiques des jeux à deux façon « mon moussaillon dans ta moussaka » mais, non, raté, j’ai faux sur toute la ligne !
Car sa crampe, le Richard, il ne se la soulagera pas une seule fois de tout le bouquin. PAS UNE SEULE FOIS ! C’est d’autant plus consternant que les occasions de tremper le biscuit ne manquent pas dans un roman Promodifa.
Des preuves ? Vise-moi donc ça :
Page 73, Richard tombe sur Helena, ligotée et dénudée. Stupeur : il n’y touche pas !
Page 95, une agente du I.I.D. aux appâts fort volumineux et à la « pose lascive très suggestive » lui fait du rentre-dedans. Incroyable : il reste de marbre !
Page 115, il se rend chez les putes et… et c’est le coup de grâce ! Il se rend chez les putes mais ne consomme pas ! Il y a des baffes qui se perdent.
Pendant ce temps-là, ce sont les méchants qui assurent le quota jambes en l’air du récit. Li-Li Ming viole Helena – « la bouche baveuse, elle massait de ses doigts frissonnants le sillon pourpre de la chair secrète » – avant de se faire défoncer la lunette arrière par les hommes de l’I.I.D., vaillants chevaliers de la cause virile et poètes rustiques à leurs heures perdues :

« – Fallait bien que tu goûtes au moins une fois au mâle, vieille pédale femelle ! lui lança un des types. »

À la fin, le pauvre Richard n’a toujours rien tringlé, n’a rien castagné non plus, Li-Li Ming saigne violemment du derche et les méchants se font tous zigouiller par une meute de rats dopés au B.33. Quant à moi, je me sens bien, requinqué, ravigoté, les accus rechargés par autant de réjouissante débilité.
Y’a pas à dire. Promodifa, c’est du tonnerre !