PLAISIR DES YEUX : GEORGES PICHARD

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Revue Fou-rire, mars 1953, chez De Valance éditeur. Deux illustrations signées Georges Pichard, dont celle de couverture. Pour le reste, il y a tromperie sur la marchandise. Fou-rire ? En obtenir ne serait-ce qu’un à la lecture de cette petite revue où la grivoiserie bas du front le dispute au consternant sera ardu. Un morceau d’anthologie de l’humour colonial se déniche dans les toutes dernières pages de ce numéro : dans un village africain, deux noirs aux bouilles rigolardes-naïves et bouches lippues. Le premier découpe un corps humain et le second lui dit : « Moi, y en a demander la main de ta fille. » Roulement de caisse claire, éclat de cymbale. Qu’est-ce qu’on se marrait, en 1953 !

CRAC, BOUM, HUE !

SERUMSÉRUM DE SURVOLTÉ, ROGER VLIM
ÉDITIONS PROMODIFA / C.R.A.C. # 39, 1978

Ce sont des valeurs sûres, les petits bouquins porno des éditions Promodifa. Vous n’êtes pas en forme, vous en avez marre du quotidien, vous songez au suicide, vous ne savez plus quoi lire, hop ! vous ouvrez un Promodifa et vous voila tout ragaillardi. Promodifa, c’est le tigre dans votre moteur. Mesdames : le chibre dans votre moiteur. 192 pages d’un plaisir pur et intense. Même lorsque ce n’est pas bon (et ce n’est jamais bon !), ça fait du bien.
Par exemple, ce Sérum de Survolté, signé Roger Vlim, alias Roger Vilatimo, un Catalan qui ne fait pas dans la dentelle.
Le sérum du titre, c’est le sérum B.33, qui « décuple la force physique et l’agressivité de l’animal (ou de l’individu) à qui on l’inocule. » Le mec qui l’a mis au point, un savant Français domicilié au Portugal, veut le monnayer au plus offrant. Accessoirement, il aime aussi à s’envoyer en l’air avec sa domestique, une femme de ménage portugaise nommée Helena (sans ‘é’) Nogueira.

« Il la pénétrait toujours vigoureusement, presque sauvagement. C’était un poignard de chair brûlante qui s’enfonçait à chaque fois dans le corps d’Helena. »

Mais revenons-en au sérum B.33. La France charge l’agent secret Richard Gilles, Ric pour les intimes, d’aller en récupérer la formule, coûte que coûte et sans débourser un radis. Mais les méchants de l’I.I.D. – « l’International Information Department, cette tentaculaire organisation d’espionnage privée couvrant le monde entier » – sont eux aussi sur le coup… sans oublier la Chine communiste, en la personne de Li-Li Ming, la redoutable lesbienne maoïste !
Jusque là, je tiens le bambou. Je m’imagine facilement le déroulement de l’intrigue : Richard débarque au Portugal, se tape la Helena, fait la nique aux rombiers de l’I.I.D. avant de permettre à Li-Li Ming de découvrir les joies classiques des jeux à deux façon « mon moussaillon dans ta moussaka » mais, non, raté, j’ai faux sur toute la ligne !
Car sa crampe, le Richard, il ne se la soulagera pas une seule fois de tout le bouquin. PAS UNE SEULE FOIS ! C’est d’autant plus consternant que les occasions de tremper le biscuit ne manquent pas dans un roman Promodifa.
Des preuves ? Vise-moi donc ça :
Page 73, Richard tombe sur Helena, ligotée et dénudée. Stupeur : il n’y touche pas !
Page 95, une agente du I.I.D. aux appâts fort volumineux et à la « pose lascive très suggestive » lui fait du rentre-dedans. Incroyable : il reste de marbre !
Page 115, il se rend chez les putes et… et c’est le coup de grâce ! Il se rend chez les putes mais ne consomme pas ! Il y a des baffes qui se perdent.
Pendant ce temps-là, ce sont les méchants qui assurent le quota jambes en l’air du récit. Li-Li Ming viole Helena – « la bouche baveuse, elle massait de ses doigts frissonnants le sillon pourpre de la chair secrète » – avant de se faire défoncer la lunette arrière par les hommes de l’I.I.D., vaillants chevaliers de la cause virile et poètes rustiques à leurs heures perdues :

« – Fallait bien que tu goûtes au moins une fois au mâle, vieille pédale femelle ! lui lança un des types. »

À la fin, le pauvre Richard n’a toujours rien tringlé, n’a rien castagné non plus, Li-Li Ming saigne violemment du derche et les méchants se font tous zigouiller par une meute de rats dopés au B.33. Quant à moi, je me sens bien, requinqué, ravigoté, les accus rechargés par autant de réjouissante débilité.
Y’a pas à dire. Promodifa, c’est du tonnerre !

PAS DE QUOI S’EN BARBOUILLER LE BÉNARD…

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MAUVAISES PASSIONS (EVIL ROOTS), WALTER UNTERMEYER JR. UNIVERSAL PUBLICATION / S.E.P.U., 195?

J’ai traîné mes guêtres pendant cinq bonnes berges à Bruxelles, hantant les puces du jeu de balle, la librairie Pêle-mêle, Nuit de Chine, Les petits riens, tout ces hauts lieux de perditions pour le bibliomane désaxé que je fus (et resterait éternellement) sans jamais tomber sur ce bouquin. Non. Jamais. Il a fallu que, deux piges plus tard, après m’être soigneusement rapatrié en France histoire de me désintoxiquer du bicky burger, de la westmalle triple et des filles en papier glacé, je tombe sur ce bidule au fin fond d’une bouquinerie d’Alès.
Alès, rien que ça, déjà, t’as des frissons. Une ville peuplée de ploucs pathologiquement faibles et d’abrutis consanguins, maçons la semaine et rugbymen le dimanche. Je pense très sincèrement que rien de fondamentalement bon ne peut sortir de ce trou paumé et pourtant, pourtant, on y déniche une bouquinerie, 24 rue de la république, en plein centre ville. Pour exemple, Béziers, qui est un bled à peu près aussi flippant qu’Alès avec son maire psychotique et sa faune de désœuvrées ultra-pauperisés buveurs de maximators tièdes, eh bien Béziers n’a plus de bouquineries depuis belle lurette. Et d’ailleurs, puisque j’en suis arrivé à ce type de considérations, les bouquineries qu’on y trouvait auparavant était approximativement aussi craignos que la ville elle-même, c’est dire l’angoisse.
Bref, tu vas me bonnir que je m’éloigne du sujet et je te rétorquerai que je rempli, nuance. Car ce bouquin, je ne l’ai pas lu. Négatif. J’ai beau être capable d’absorber des quantités assez incroyables de machins franchement peu commodes voire farouchement déglingués, ce bidule là était au dessus de mes capacités lecturales. Suffit d’ailleurs de se farcir le premier paragraphe pour comprendre ma douleur :

« Anne Sickles fit une corne à la page de son livre avant de le poser à côté d’elle. C’était un roman passionnant. Elle venait de finir le chapitre où le jeune tueur vient de séduire la fille sur la banquette arrière de la voiture. C’était vraiment excitant et stimulait son imagination. Elle espérait que Fred rentrerait tôt à la maison et ne serait pas trop fatigué… »

Non, vraiment, ce n’est pas possible. Surtout que Fred rentre tard, complètement vermoulu, le drapeau en berne, popol au placard et que du coup, la nistonne, cette petite partie de jambes en l’air qu’elle se prévoyait avec son jules, elle peut y faire une croix dessus, et toi itou.
Alors, pourquoi est-ce que j’en cause, de cette saloperie ? Trois raisons. D’abord, parce que ce fut imprimé à Bruxelles, probablement dans la seconde moitié des fifties (le livre n’est pas daté) et pour le compte d’une obscure maison d’édition Belge, la Universal Publications.
(Il faudra un jour sérieusement se pencher sur les quelques enseignes crapuleuses de littérature populaire qui fleurirent après-guerre en Belgique.)
Ensuite, parce que ce titre fut piraté à deux reprises par notre filou favori André Guerber – la première fois en 1960, même titre, même nom d’auteur, numéro 8 de la collection Cristal des éditions du Champs de mars, et la seconde fois en 1963, aux éditions Bel-Air, collection Détective Pocket numéro 3, sous le titre de Donne-moi cette femme, signé William Ard et amputé de 5 bons chapitres. Sacré Guerber !
Et enfin, si j’en cause, c’est tout simplement pour sa première et quatrième de couverture qui reprennent à l’exactitude la maquette du paperback US, chose extrêmement rare – voire unique – dans l’édition francophone.

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Tout ça pour ça, donc ? Oui, tout ça pour ça. Mais comme disait l’autre : la prose, faut que ça déjectionne. Et ça m’emmerderait de le faire mentir.

INTERLUDE EN STRIP SYNCOPÉ

Ah ! ces bons vieux photo-romans italiens à la sauce krimi-ringarde, avec ces gonzes mastards à faussette au menton qui se bigornent sec la trombine, ces enquêteurs miteux qui traînent leurs déductions comme d’autres leur gueule de bois et ces girondes petites mousmées qui se déloquent à l’improviste pour le plus grand plaisir de l’internationale des pervers-zieuteurs que nous autres, bibliophages d’occase, constituons.

Ce sujet-là, c’est un peu la manne du Müller-Fokker, et les billets du vieux blog seront peu à peu transferés ici, qu’il s’agisse de l’art de la galanterie en trois cases chrono, du placement exact d’un poing velu dans une tronche veule, de l’usage récréatif de la boule de pétanque chez les cow-boys alcooliques et autres précisions question barabille sanglante et rififi photogénique, cette vitamine de la rétine.
Bref, de quoi sérieusement s’occuper.
Mais tout d’abord, les mèques, place à Béryl, une chouette pépée bien comme il faut, ex-effeuilleuse au Club Mickey et amatrice devant l’éternel de go-go-dancing à loilpé sur jerk explosif maxi-électrique.
Go baby go !

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La suite au prochain épisode !

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